Reporters sans frontières s'inquiète pour l'avenir des nouvelles radios tunisiennes

Reporters sans frontières s'inquiète pour l'avenir des nouvelles radios tunisiennes

Une conférence de presse est organisée, le 25 février 2013 à 15h, au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens afin d’évoquer publiquement les inquiétudes des professionnels des médias sur l’avenir des médias en Tunisie et de protester contre l’attentisme des autorités tunisiennes.

Reporters sans frontières considère en effet que l’émergence de nouvelles radios est indispensable au développement et au renforcement du pluralisme des médias et de l’information en Tunisie. L’organisation réitère son soutien à la création de nouveaux médias, principalement dans les régions reculées du pays.


“On ne peut que s’interroger sur les raisons de cet attentisme et ce manque de volonté flagrant à réformer le secteur des médias depuis deux ans maintenant. Faudra-t-il attendre la vague de mécontentement populaire qu’entraînerait une coupure des antennes pour que les autorités enclenchent enfin les réformes nécessaires sur ce dossier, crucial pour la liberté d’information ? La crise politique et économique à laquelle la Tunisie est confrontée ne saurait constituer une excuse. Il est urgent que soit mis en place un cahier des charges pour les radios privées et communautaires et qu’en parallèle l’HAICA voit enfin le jour”, a déclaré Christophe Deloire, le secrétaire général de l’organisation.


Depuis le 14 janvier 2011, seules douze radios ont obtenu une licence afin de diffuser leurs programmes sur le territoire tunisien. Ces douze radios sont aujourd’hui menacées de disparition. Celles qui ont accepté de signer un contrat avec l’Office National de Télédiffusion (ONT) se trouvent dans l’impossibilité de payer les sommes exorbitantes réclamées par cette entreprise publique - en moyenne 100 000 dinars par radio (48 460 euros)- tandis que celles qui ont refusé le monopole de l’ONT et qui émettent par leurs propres moyens sont actuellement dans l’illégalité. Toutes pourraient se voir contraindre de fermer si aucune réforme n’est mise en place rapidement.


Les seules portes de sortie de ces radios sont désormais la fermeture ou le rééchelonnement de dettes qu’elles ne parviendront certainement pas à honorer du fait du montant exorbitant demandé par l’ONT, qui multiplie les lettres de mise en demeure.


“Qu’elles soient dans l’incapacité de régler la facture de l’ONT, ou qu’elles émettent illégalement, la survie de ces radios est un véritable enjeu pour le droit d’informer et d’être informé pour les citoyens tunisiens”, a ajouté Christophe Deloire.


Ces douze nouvelles radios avaient profité du volontarisme de l’Instance Nationale pour la Réforme de l’Information et de la Communication (INRIC), organisme mis en place en mars 2011 afin de réformer le secteur médiatique. Souhaitant renouveler le paysage audiovisuel tunisien, l’INRIC avait donné, le 28 juin 2011, un avis favorable à la création de ces radios.


Depuis les élections du 23 octobre 2011 et l’arrivée au pouvoir de la Troïka, la réforme du secteur médiatique est dans une impasse, victime de différends politiques. Les conclusions du rapport général de l’INRIC n’ont pas été prises en compte dans la poursuite du processus de réformes, conduisant à la dissolution de l’Instance, sans que cela n’amène les autorités à accélérer la mise en place de la Haute Autorité Indépendante pour la Communication Audiovisuelle (HAICA).


Le paysage audiovisuel hérité du temps de Zine El-Abidine Ben Ali est actuellement verrouillé. Le déblocage de cette situation ne semble pas faire partie des priorités du gouvernement qui a su s’accomoder du vide juridique pour maintenir un contrôle étroit sur les médias publics et décourager toute initiative locale.


Ainsi, les autres porteurs de projets radiophoniques ne peuvent déposer leurs demandes d’obtention du droit d’occuper une fréquence, faute d’interlocuteur officiel. Et les porteurs de projets, décidant de passer outre le vide juridique et d’émettre sans autorisation, sont passibles de peines de prison, allant de 6 mois à 5 ans, pour “exploitation d’une fréquence hertzienne, sans autorisation préalable de l’Agence Nationale des Fréquences (ANF)”, en vertu du code des télécommunications actuellement en vigueur.
 

Malgré les demandes répétées du Syndicat tunisien des radios libres (STRL) et de l’Association mondiale des radios communautaires (AMARC), les autorités n’ont pas mis en place de statut spécifique pour les radios communautaires. Et il est impossible pour les responsables des nouvelles radios d’importer le matériel technique destiné à fabriquer leur propre émetteur sans se trouver passible de lourdes sanctions.
 

Mongi Marzoug, ancien ministre des Technologies de l’information et de la communication, et Sadok Toumi, président de l’ONT, ont déclaré, lors d’un entretien avec Reporters sans frontières le 12 février 2013, qu’une révision des tarifs est actuellement à l’étude au sein du ministère. Toutefois, aucun calendrier n’a encore été fixé. Cette ré-indexation des tarifs pourrait se baser des critères suivant : le nombre d’habitants par zone, l’indice de développement géographique, l’aide de l’Etat, la nature du média (associatif/public/privé).
 

Par ailleurs, le monopole de l’ONT est aujourd’hui contesté. En vue de sortir de cette impasse, les radios communautaires réclament le droit d’émettre par leurs propres moyens. Mais l’ONT, souvent montré du doigt, est en définitive assez impuissant à pouvoir changer la donne, la fin du monopole de l’ONT et l’arrivée sur le marché d’opérateurs privés ne pouvant qu’être le fruit d’une volonté politique de réformer la loi. Il n’en demeure pas moins le bouc-émissaire idéal pour les responsables politiques.


Reporters sans frontières demande aux autorités de faire preuve de compréhension en suspendant le paiement des sommes dues dans le cadre de ces contrats, ainsi qu’une révision rapide des tarifs exigé par l’ONT. L’organisation insiste également pour que les radios émettant par leurs propres moyens ne fassent pas l’objet de poursuites tant qu’une réforme du code des télécommunications n’a pas été adoptée.