Du média digital vers la stratégie digitale !
«En préparant les batailles, j’ai toujours trouvé que les plans sont inutiles, mais que la planification est indispensable » (Dwight Eisenhower)
Selon les dernières prévisions de Forrester, les dépenses média interactives aux USA rejoindront celles de la publicité TV en 2016 et les dépasseront en 2017, la publicité digitale représentera à ce moment là 1/3 du total des investissements média (versus ¼ aujourd’hui). A noter que ces chiffres ne prennent en compte que les investissements publicitaires, c’est à dire le coté « média » d’internet (le display, le search, le paid social et l’email marketing)
2017 sera donc une année historique pour la communication digitale, elle marquera le passage du média internet à l’âge adulte mais, et même si on doit se réjouir de ces chiffres, limiter Internet à son coté média serait vraiment dommage ! Il y a en effet une différence de taille entre avoir un budget média digital et une stratégie digitale.
Le média en est certes une composante importante mais, comme le disait Porter, une somme de leviers et d’actions opérationnelles (sur le web :un plan média, un site web, une page FB, une appli mobile…), même efficaces constituent une stratégie de moyens et non une « stratégie », pour cela on a besoin d’un référentiel commun des différentes actions, une vision globale et cohérente d’Internet qui relierait les différents métiers et acteurs et qui permettrait ainsi une mise en perspective de l’ensemble des canaux.
Pour y arriver, nous devons intégrer internet en amont de la réflexion et au niveau même de la stratégie globale d’entreprise, contrairement à ce qui est pratiqué encore en Tunisie (et même en Europe, rassurez vous) briefez l’agence digitale après avoir posé la plateforme de marque et les actions ATL/BTL avec l’agence de pub et vous aurez la garantie de finir au mieux avec un relais de votre campagne (et donc du média) ! Dans le meilleur des mondes, les équipes digitales travaillent pendant la phase même de conception produit/service, pensez à la plateforme Nike+ par exemple, le gap est donc assez grand vous me le concèderez.
Au fil de mes rencontres, je me rend compte qu’au delà de ceux qui ne sont toujours pas convaincus de l’intérêt du digital, ceux qui y investissent et ont une certaine maturité travaillent sans réelle stratégie, des « fashionistas » du digital comme les appelle Cap Gemini, et qu’elles se disent souvent déçues du ROI ; Jugeant trop chronophage voire superflue la définition d’une véritable stratégie, ces entreprises continuent malheureusement d’agir de façon tactique et opportuniste, ce qui peut avoir des résultats sur le court terme, grâce à la réactivité que peut procurer internet, mais cela peut se révéler être inutile voire contre productif sur le moyen/long terme.
La définition d’une stratégie digitale repose sur la planification, l’étude et l’analyse de plusieurs composantes, pour en citer quelques unes (de façon non exhaustive ni hiérarchisée) :
- Quel intérêt présente internet pour mon activité ?
- Mes concurrents y sont ils présents ? que font ils ?
- Mes clients/prospects y sont il présents ? si oui dans quels « lieux » ? quel parcours client ? (consumer journey digitale)
- Quelles sont leurs motivations ? attentes ? que font ils ? de quoi parlent ils ?
- Comment puis-je m’intégrer au sein de ces lieux ? apporter de la valeur ? sous quelle forme ?
- Quels objectifs quanti (notoriété, ventes, PDM, acquisition, fidélisation…) quali (image, réputation, satisfaction client, recommandation…)
- Quel budget pour répondre à ces objectifs ?
- …
Ce qui est paradoxal, c’est que ces questions les entreprises se les posent déjà, mais pas pour Internet (certainement à cause de la perception de « virtualité » qui caractérise cet espace) mais au final quelle différence sur le fond entre un site web et une boutique physique ? (si ce n’est la zone de chalandise), entre un call center/SAV et une approche eCRM ? une page Facebook et une base de données clients/prospects ? Un spot TV et un contenu YouTube ?...
Selon les réponses apportées à ces questions, il faudra arriver à y corréler un niveau d’implication/décision (direction marketing, communication, direction générale, DSI, ventes…), ce point souvent négligé est primordial pour assurer l’exécution et le succès. Et ensuite seulement vous pourrez traduire votre stratégie en un plan d’actions (idées créatives, contenus, services, supports, roadmap, organisation…) et lui fixer des KPIs.
Pour ce dernier point, gardez en tête que les indicateurs de mesure ne doivent pas découler du support (on appelle ça la « post-rationalisation ») mais de l’objectif : 10.000 likes, 20.000 visites et 50.000 installations d’applis qui ne répondent à aucun objectif stratégique, n’ont pas leur place dans un bilan.
Bien évidemment, ce qui est vrai et a du sens aujourd’hui ne le sera pas forcément demain, surtout sur internet, faudra donc penser à garder une certaine marge de manœuvre (notamment niveau budget/ressources) pour prévoir des ajustements et assurer une certaine flexibilité.
Et si vous doutez de l’intérêt d’avoir une « stratégie digitale », sachez qu’une étude de Cap Gemini Consulting et du MIT montre que les entreprises les plus matures sur le digital, baptisées " Digirati " (comme Nike ou Burberry pour ne citer qu’eux), ont, en moyenne, une profitabilité supérieure de 26 % à leurs homologues du même secteur et un chiffre d'affaires de 9 % plus élevé.
Une autre étude Digital IQ menée par PWC affirme que 81% des entreprises les plus performantes affirment que leur PDG est aussi un leader sur le numérique
Google également s’est penché sur le sujet et démontre que les entreprises digitalisées enregistrent un taux de satisfaction clients et employés beaucoup plus élevé que la moyenne.
Ces études ne demandent d’ailleurs qu’à être mise à jour avec l’explosion récente de l’iot (internet of things) qui risque de faire croitre ces chiffres de façon exponentielle, mais ça on en parlera lors d’un prochain article…
Aziz Haddad - aziz@isobarmaghreb.com