Brand Creative Director : Le nouveau Dir Com ?
It’s not about the « what » it’s about the « how » - Scott Bedbury
Quelle place est accordée au sein des organisations, en dehors des agences, à la créativité/création ? la réponse est simple (et volontairement généraliste) : Aucune ! Cherchez un poste avec la créativité comme focus dans les intitulés de postes, dans l’organigramme, comme scope of work, dans les jobs desk… vous n’en trouverez pas ! Certains diront qu’elle n’est pas centralisée, qu’elle est diluée sur toute la chaine de valeur, au sein de tous les départements, que c’est une qualité qui doit faire partie intégrante des profils recrutées et non un travail ou encore un poste à part entière, Faux ! Tout comme la stratégie ou encore l’innovation, la créativité se doit d’être portée, valorisée, la créativité n’appartient certes à personne, elle est partout mais elle se doit d’avoir un lead, une mission quotidienne, des outputs concrets, un ROI tangible et surtout une vision d’entreprise et un focus stratégique !
Et pourtant sur un marché de plus en plus concurrentiel (rendez-vous dans n’importe quel hypermarché / centre commercial pour vous rendre compte de l’abondance de l’offre), la créativité est aujourd’hui LE point de différentiation le plus important ! Vous avez une idée précise de ce que vous souhaitez acheter avant même de franchir la porte du magasin, fini le temps de l’avantage concurrentiel tangible, du rapport qualité/prix, du monopole… tout business peut-être disrupté et « ubérisé » en un temps record, la conviction est plutôt forgée à force de communication, de design, d’image, de branding, de contenus, d’expériences, de recommandations, de services…. Finalement de créativité !
On n’achète plus un produit pour sa valeur réelle qui adresse un besoin transactionnel (qui ont bien évolué depuis Maslow) mais plutôt pour sa valeur perçue, on achète un produit pour sa beauté, son design, sa qualité perçue, pour ce qu’il représente, l’imaginaire qu’il évoque, la communauté à laquelle on pourrait appartenir, le fantasme qu’il implique, les valeurs qu’il porte, les promesses qu’il communique, la reconnaissance qu’il induit, la satisfaction qu’il procure… Finalement de sa « créativité » !
Récemment je discutais avec un groupe de jeunes, leur rapport avec la téléphonie, leurs marques préférées… ils m’ont dit pouvoir « profiler » une personne et la classer de façon assez catégorique en se basant uniquement sur son numéro, son opérateur, son indicatif, son ancienneté…et sont même allés jusqu’à me donner un profil type en fonction d’un certain range / nature de numéro, j’étais aussi perplexe que fasciné (même si pas surpris)! ils m’ont dit que les opérateurs de téléphonie se ressemblaient tous mais qu’ils se reconnaissaient plus dans l’image des uns des autres et dans le profil justement qu’ils impliquaient à travers les numéros qu’ils leurs attribuent, une sorte d’identité acquise par défaut mais qui, au fur et à mesure pouvait se dégrader ou s’améliorer, les marques seraient devenues responsables de l’identité de leurs clients, Les offres, elles, représentaient des sous communautés, des espèces de clusters avec un profil encore plus précis ! ces profils et ces communautés se nourrissent d’image, et finalement de créativité !
Il en est de même quelque soit le secteur d’activité, vous vendez du biscuit ? des chaussures de sport ? des maisons ?... Y a sans doute un produit concurrent équivalent ou à minima de substitution (peut-être même moins cher), ce qui fera réellement la différence est ailleurs : Pourquoi devrais-je l’acheter chez vous ? Ce pourquoi est basé finalement sur la créativité !
Ce pourquoi, très riche, est pourtant très souvent sous-traité (aux agences et autres partenaires/prestataires) alors qu’il est aussi important voire plus que le produit en lui même ! Qu’est-ce que l’on sous traite par définition ? ce qui n’est pas porteur de valeur, ce qui ne crée pas la différence, ce qui ne fait pas partie du cœur de métier ! sauf que les choses ont évolué, les règles ont changé et le « pourquoi » est désormais aussi important, voire plus, que le « quoi », c’est désormais ce que l’on vend !
Marketing et com ne pourront peut-être pas fusionner demain, tout comme les agences ont compris que Accounts, consultants et créatifs ne le feront sans doute pas mais le poste de planneur est clé pour faire le pont, tout comme plus récemment celui de Creative Strategist (coté stratégie), ou encore de Creative Technologist (coté technique) !
Celui de Directeur de la créativité chez l’annonceur également ! Son job ? Assurer un flux permanent d’idées (et non de concepts), qui adressent des problèmes et apportent des solutions, suivre leur faisabilité, leur progression et leur mise en place, faire le pont entre le marketing et la communication, l’IT et le digital, de travailler en transversal et en mode projets avec les différents départements/directions (Technique, RH, Commercial, points de ventes…) pour assurer une expérience de marque unique, un storytelling cohérent (marque, marque employeur, produits, points de vente, service client, RP, RSE…), pour résumer c’est celui qui traduit les problèmes/besoins en solutions créatives et qui s’assure de la cohérence de l’ensemble.
Pourquoi un Directeur de la création « Inhouse » en plus des agences ? simplement pour la proximité (l’internalisation est un atout considérable, surtout à un niveau C-Level), la proactivité, la réactivité (dans un monde business qui fonctionne en temps réel), l’agilité et surtout pour la continuité, les agences sont certes mieux outillées créativement pour l’exécution mais elles adressent des briefs, elles fonctionnent par campagne, le DC doit penser écosystème et le nourrir quotidiennement et en flux tendu, être au plus près des problématiques quotidiennes et trouver des solutions, travailler aussi bien avec les agences, l’interne que d’autres acteurs comme les startups, les fab lab, les Think Tanks, les cabinets d’études… Il n’opère pas des « campagnes » mais des idées et une mise en place !
Si vous questionnez des marques comme P&G, Nike ou encore Coca Cola ils vous diront qu’elles savent ce qu’ils veulent dire à leurs clients et ce qu’ils veulent créer autour/pour leurs marques, ils ont besoin des agences surtout pour une manière créative et différente de le « traduire » le tout en assurant une exécution parfaite ! Ces marques commencent à comprendre que le « brand management » est de moins en moins axé sur le « management » et plus en plus sur la « création » de marques expérientielles, émotionnelles, engageantes… les profils et les postes se doivent d’évoluer dans ce sens, pas uniquement en agence, les dir com deviennent des directeurs de création, des directeurs éditoriaux, des directeurs de programmation, des hackeurs de croissance, des experts en digital, des trends watchers…
Il y a déjà un Gap permanent entre les 2 mondes, d’un côté les agences pensent profondément que le client ne comprend pas la créativité (et c’est là que le planning stratégique / études interviennent), de l’autre les annonceurs pensent que les agences ne comprennent pas leur business (et en face t’as généralement le directeur de communication/marketing), sauf que autant le premier interlocuteur est légitime, autant souvent on retrouve des profils formatés en face coté annonceur.
Avoir une réelle sensibilité créative est une composante essentielle dans notre métier, une marque ne se « manage » plus, on n’est pas/plus des garde fous de la marque ou la « brand police » qui sont là pour veiller au respect du brand book, non, on est surtout là pour recréer et réinventer la marque au quotidien ! Tout comme un bon journaliste, je ne pose pas des questions dont je ne connais pas la réponse, je réfléchis et veille plutôt à en avoir plusieurs, je compte sur mes partenaires pour m’aider à identifier la meilleure, la développer et l’exécuter ! Je cherche des points de vue, des partis pris et une façon de faire en priorité !
Les agences de leurs côtés font le chemin inverse, une sorte de main tendue vers les annonceurs, une tendance arrivée des US (plus précisément chez Nike) et popularisée par des agences comme Buzzman en France : « Le productising », une espèce d’hybride entre advertising & product, une sorte de hacking de business model, des produits/services porteurs de messages forts et qui sont réellement commercialisés/distribués, le rêve ultime (product is the marketing), le produit est en lui-même le message et le medium, il a été pensé pour plaire et être consommé mais surtout pour qu’il véhicule un véritable message de marque et une expérience unique !
Ce qui est certain c’est que les modèles convergent dans le même sens, les agences commencent à s’impliquer réellement dans le business, les annonceurs eux commencent réellement à s’impliquer dans la création, est-ce qu’on verra pour autant des Directeurs de création ou Chief Creative Officer émerger chez l’annonceur ? peut-être pas tout de suite, peut-être pas tous mais c’est ce qu’ont fait des mastodontes comme General Electric ou encore General Mills aux US qui ont tous les 2 recruté des CCO au sein de grands groupes de communication.
Pour les autres c’est ce chemin qu’il faudrait emprunter pour réussir (ensemble, avec les agences) ! Il est temps de changer la manière dont le branding et la com sont opérées, changer les choses, bousculer les zones de confort.
« People don’t buy what you do, they buy why you do it » Simon Sinek
A bon entendeur