Communication à l’ère du Covid-19 : Une histoire de verbes.
Retour sur un confinement d’agence et le déconfinement d’un secteur.
Écouter, entendre, appeler, regarder, répondre, expliquer, compatir, visionner, lire et relire, parler, écrire, se relire et réécrire, briefer et se faire briefer avant d’être debriefé, planifier, imaginer, conceptualiser et contextualiser, improviser, adapter et s’adapter, hésiter, rappeler, réunir, respecter, comprendre, accepter, décliner, revisiter, remettre et se remettre en cause, participer, oser, prendre le risque, interpeller, sortir de ses zones de confort, affûter notre imagination, redémarrer, recommencer, consoler, motiver, féliciter, soutenir et accompagner, annuler, reporter, décaler, garder la tête froide, célébrer des quick wins, conseiller et être là à tout moment,...
J’ai même vu circuler « covider » dans un debrief interne pour résumer et exprimer plus facilement un long commentaire d’annonceur. C’était pour exprimer de façon succincte comment adapter une campagne existante à l’ère du Covid-19 et du confinement, pour éviter d’être dans la célébration et la joie débordante.
Cette crise a bien donné encore du sens à ce secteur de la communication, qui n’en a jamais manqué. Elle rappelle à juste titre la place occupée par la communication dans la chaîne de valeur et son rôle essentiel en situation de crise et dans la relance pour le jour d’après.
Elle rappelle aussi l’importance de l’union et la force de la relation agence et annonceur, pour surmonter de nouveaux défis inédits dans un climat d’incertitude.
Elle remet également de l’ordre dans la relation avec le consommateur et le client final, pour déconstruire et reconstruire sur de nouvelles bases une relation durable avec les marques et les enseignes, et surtout remettre la dimension humaine au cœur des préoccupations.
On nous attend sans doute avec impatience pour la relance post Covid-19, avec de nouveaux challenges, pour les professionnels de la communication et donc pour un nouveau « verbe » :
Relancer, donner le sourire, respirer, tourner, redonner vie, égayer, fêter, s’évader, faire rêver, respecter, réfléchir à deux fois avant de se précipiter, surprendre et émerveiller, redonner sens et espoir, rebâtir, faire preuve d’agilité... et surtout, se retrouver.
Se retrouver, sans pour autant revenir à la normalité car il n’y aura pas. Plus jamais de business as usual, ce sera plutôt “business unusual” chaque jour et nous naviguons désormais dans une incertitude permanente avec laquelle il faudra composer. La révolution digitale y est pour beaucoup car si par définition et en période de crise tout est exagéré en bien ou en mal, que dire avec la haute connectivité, la rapidité de diffusion de l’information et la facilité des transactions, plus rien n’est acquis à jamais pour les marques et les entreprises. C’est une crise qui a ébranlé la plus grande puissance mondiale en quelques semaines. Plus rien n’est gagné d’avance. Il faut désormais se battre en permanence jusqu’au dernier centimètre. On le voit déjà aujourd’hui même, il n’y a pas réellement de reprise en force, le retour à la consommation se fait en mode dégradé et progressif, rien à voir avec la “revenge shopping” que certains ont prévu. Le secteur média est touché de plein fouet et sa relance n’est sans doute pas pour demain.
Agences et annonceurs n’ont pas d’autres choix que de revoir la feuille de route. Il y avait déjà des chantiers dans le pipe avant le Covid-19, autour de la transformation digitale, du Direct To Consumer et de bien d’autres virages stratégiques, alors avec les répercussions de cette nouvelle crise, c’est un autre chantier aux multiples facettes qui vient d’additionner à la liste des défis à relever :
- Agences et annonceurs ne devraient plus désormais être en désaccord sur le besoin de bâtir des marques fortes, des marques à mission et des marques utiles pour le quotidien des consommateurs. Le concept de la “marque utile” sera de mise, plus que jamais.
- Agences et annonceurs ne devraient plus désormais être en désaccord sur le besoin de soutenir le secteur média dans une relation win/win car la transformation digitale n’exclut pas la possibilité de continuer à collaborer avec le média traditionnel et local sous de nouvelles formes, voire même avec une refonte du business model.
- Agences et annonceurs ne devraient plus être en désaccord sur les composantes institutionnelles : Après la pub, la promo…, il y a un rôle indéniable sur le plan sociétal et corporate et il y a déjà une forte prise de conscience quant aux problématiques RSE. Ce ne sera plus à nice to have, mais un “must do”.
- Agences et annonceurs ne devraient plus être en désaccord sur l’importance des jeunes talents et le besoin de les accompagner, quitte à casser les schémas classiques et les hiérarchies d’avant. Les jeunes talents sont les seuls capables d’apporter l’agilité dont le business aurait besoin aujourd’hui et en particulier sur les problématiques marketing et communication. Le vrai mérite des moins jeunes, ne serait-il pas celui de bien faire travailler et embarquer ces jeunes, plutôt que la résistance au changement et les rivalités infructueuses ?
Aymen Ouerghi. Directeur général de l’agence conseil en communication « Publicis Impact »