Un conseil d'autorégulation pour la pub au Maroc

Un conseil d'autorégulation pour la pub au Maroc
· Livraison d’une 1ère version aux professionnels et future consultation de la Haca
· Avis facultatif et visa obligatoire pour les spots publicitaires
· Un chantier pour contrecarrer un tour de vis législatif

Le monde publicitaire cogite depuis un peu plus d’un an sur un conseil d’autorégulation et un code de déontologie. Une commission tripartite -composée d’annonceurs, régies publicitaires et agences de communication- vient de livrer une première mouture des deux projets. Celle-ci a été transmise fin février à leurs représentants, notamment l’Union des agences en conseil et communication (UACC), pour que l’ensemble de la communauté publicitaire formule ses remarques, appose ses annotations, voire éventuellement valider le projet. Pour collecter leurs avis, le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM) s’est donné en principe un «deadline pour fin mars». Il est fort envisageable que les annonceurs initient une «réunion informelle qui se tiendrait au cours des semaines à venir», selon une source proche du dossier. Etape cruciale. Via cette consultation les professionnels peuvent soit donner un nouveau souffle à la mouture ou simplement se contenter de sa version initiale. Ce sont finalement l’engagement et la mobilisation de tout un secteur qui sont mis à l’épreuve. La validation finale des textes se traduirait par leur transfert au ministère de la Communication et à la Haute autorité de la communication audiovisuelle (Haca). Des représentants de cette instance ont déjà «participé en tant qu’observateurs aux réunions de la Commission tripartite», selon une source.
L’un des hauts responsables de la Haca souligne que le régulateur ne «s’immisce pas dans ces travaux de réflexion», mais demeure une «force de proposition» au cas où une «initiative pour légiférer» émane du gouvernement ou du Parlement. De son côté, le monde de la publicité tente à travers le chantier de l’autorégulation d’éviter un tel scénario. Il vise à «rendre inutile l’adoption d’une loi contraignante» (voir encadré).
C’est au sein même du GAM que l’idée d’un conseil d’autorégulation notamment a émergé. Le projet remonte au temps où l’actuel DG de 2M, Salim Cheikh, dirigeait encore la régie de la SNRT, Maroc Pub média. Pour l’organisme d’autorégulation, un nom provisoire lui a été octroyé: Conseil pour une publicité responsable (CPR). Un conseil d’administration devrait être élu par une assemblée générale qui réunira tout le secteur de la publicité. Par la suite un secrétariat permanent composé d’un directeur général, de juristes... sera constitué. Les frais de fonctionnement du futur conseil d’autorégulation émaneront des cotisations de ses membres et des honoraires de consultations. Le CPR se définit comme une «autorité morale et consultative», d’après le GAM. Il n’aura aucun pouvoir coercitif et ses avis seront facultatifs. En revanche, son visa sera «obligatoire pour la diffusion des spots». Les régies qui vendent les espaces publicitaires de leurs chaînes respectives semblent cautionner cette future procédure.
Seront programmées deux séances de visionnage par semaine. C’est un comité composé de juristes, sociologues, publicitaires... qui va s’en charger.
Leur avis facultatif devrait, avant un quelconque tournage, soit cautionner, rejeter ou demander une modification des story-boards. Le spot peut être diffusé malgré une opinion défavorable. Sauf que le publicitaire risque une suspension ultérieure de son produit par le régulateur audiovisuel (Haca). Et dont l’autorité se limite aux publicités émises à la télé et à la radio. L’article 2 de loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle rappelle d’ailleurs qu’une publicité doit être «légale, honnête et vraie».
Les campagnes publicitaires de gros annonceurs tels Méditel, Addoha ou encore Shell ont fait, par exemple, les frais d’une décision de suspension.
C’est dans cette hypothèse que l’autorégulation s’avère salutaire. Elle minimise les risques d’une suspension et des pertes financières qu’elle engendre. Car la création publicitaire, à l’instar de la liberté de la presse, est aussi une forme d’expression qui peut donner lieu à des contestations, des polémiques, voire à des actions en justice.
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Publicité, que dit la loi?


A l’heure où le code de consommation est en discussion au Parlement, les professionnels de la publicité affichent une frilosité. A cet égard, le virage amorcé il y a quatre ans par la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle (1) est révélateur.
Toute la difficulté est de qualifier dans un spot publicitaire les notions de «fausses présentations» ou de «nature à induire en erreur» les consommateurs. Ces deux formules ne sont définis ni par une disposition réglementaire ni par les cahiers des charges des opérateurs audiovisuels. Une voie pénale existe pour protéger le consommateur contre la fausse publicité. Sur le plan civil, l’action en concurrence déloyale est jouable. Et qui repose sur les articles 77 et 79 du Dahir des contrats et des obligations.

Empreinte éthique


Actuellement 35 instances d’autorégulation publicitaire existent dans le monde, principalement en Amérique et en Europe. S’il voit le jour, le Conseil pour une publicité responsable (CPR) aura une mission de conseil, d’information et de sensibilisation. D’où la réflexion sur un code de déontologie.
Derrière l’architecture institutionnelle du futur Conseil l’on ressent également une prudence: gagner une plus grande adhésion pour éviter une levée de boucliers. Il ne sert à rien par ailleurs de créer une instance d’autorégulation juste pour se donner bonne conscience. Sans indépendance, le CPR serait une coquille vide. Alors qu’il sera amené à donner des avis. Au final, tout dépend de l’empreinte éthique que le milieu publicitaire veut laisser sur le paysage audiovisuel.

Faiçal FAQUIHI